La Thérapie des Schéma a été créée par Jeffrey Young à partir de 1990. J. Young est un élève de Aaron Beck, père des thérapies cognitivo-comportementales (TCC). J. Young développe la thérapie des schémas afin de mieux appréhender les troubles de la personnalité. La thérapie des schémas est une approche intégrative s’inspirant des TCC, des concepts psychanalytiques, de la théorie de l’attachement et des connaissances autour du traumatisme.
Dans ma pratique, j’utilise cette approche lorsque les jeunes se questionnent sur leurs relations, leur rapport à eux même ou lorsqu’ils remarquent se retrouver régulièrement dans les mêmes fonctionnements qui ne leur convient pas. En général, je m’inspire de la thérapie des schémas surtout avec les jeunes adultes mais j’amène quelques éléments de cette approche également avec les plus jeunes. J’intègre notamment dans ma pratique la notion de schéma et de mode.
Qu’est-ce qu’un schéma ?
Un schéma est un ensemble de croyances sur soi-même ou sur les autres : « je suis trop bête », « les autres vont m’abandonner », « je vais me faire trahir », « je me méfie des autres ». Ces croyances se construisent tout au long de la vie mais surtout durant les premières années d’enfance. Un schéma est utile afin de simplifier et comprendre le monde complexe dans lequel nous vivons. Mais un schéma peut devenir inadapté lorsqu’il empêche la personne de vivre sereinement avec elle-même ou avec les autres.
Par exemple
Si Noam pense que tout le monde va l’abandonner, il aura peut-être sans s’en rendre compte des comportements qui pourront mener malgré lui à un abandon. Il peut s’empêcher de proposer des sorties à ses amis étant persuadé qu’ils ne souhaitent pas le voir. Cela peut donc mener à ce que certains appellent des prophéties autoréalisatrices et renforcer d’autant plus son schéma.
Jeanne, quant à elle, n’arrive pas à créer de relation amoureuse saine. Elle rencontre puis « choisit » malgré elle de rester avec des garçons qui ne la respectent pas. Peut-être en raison de son schéma « imperfection et honte », qui lui fait croire qu’elle ne mérite pas que quelqu’un prenne soin d’elle et qu’on la respecte. Cela peut s’être installé car, lorsqu’elle était petite, elle n’a pas été traitée avec respect ou a vu d’autres femmes ne pas se faire respecter.
Lors des accompagnements il est difficile d’utiliser la thérapie des schémas puisque les moyens d’accompagnement ne permettent pas de mettre en place une thérapie à proprement parler.
En termes de prévention, il est tout de même possible d’identifier les schémas du jeune en les associant à son histoire de vie et à son fonctionnement familial. Puis, il peut être intéressant de faire le pont avec son quotidien, vérifier leur présence et faire la différence entre un schéma et une réalité et ainsi pouvoir prendre du recul. C’est un moyen de travailler sur les pensées et les représentations mentales.
Mais il est également possible de travailler davantage sur l’aspect émotionnel en utilisant l’approche modale.
Qu’est-ce qu’un mode ?
Un mode est une partie de soi qui s’est construite selon nos expériences relationnelles durant l’enfance lié notamment à l’affection et au cadrage reçu des adultes donneurs de soins. La personne intériorise des parties infantiles et parentales dans son fonctionnement. Les modes sont également issus des stratégies adaptatives pour faire face au schéma (compensation, évitement, soumission au schéma). Tous les modes ont une fonction et une utilité. Cependant, le principe dans un travail d’accompagnement est de pouvoir avoir de la flexibilité pour passer d’un mode à l’autre. L’idée est surtout d’avoir accès à la partie de soi vulnérable (les parties les plus émotionnelles), mais aussi développer un adulte calme et réfléchi (autrement appelé adulte « sain »).
Les souffrances sont souvent issues d’une partie infantile qui n’a pas de place pour s’exprimer ou qui s’exprime de manière trop intense (enfant en colère, par exemple) ce qui peut entrainer que la personne n’arrive pas à prendre soin d’elle (identifier et faire reconnaitre ses besoins).
L’approche modale s’appuie directement sur les connaissances autour de la théorie de l’attachement développée par John Bowlby. Elle tend à permettre au patient de prendre soins de ses parties émotionnelles/infantiles en utilisant l’auto-compassion et intérioriser un cadre sécurisant pour pouvoir par la suite explorer son environnement en sécurité et créer éventuellement des relations plus saines.
Et à la Maison des Adolescents ?
La thérapie des schémas a un protocole qui sécurise mais laisse assez libre le thérapeute selon les besoins du patient. Bien qu’il ne soit pas possible de faire une thérapie dans son intégralité à la Maison des Adolescents, j’utilise parfois certaines façons de travailler inspirées de cette approche :
En Apprendre davantage sur soi
- Calendrier de vie : faire le point de tous les moments de vie marquant de manière positive ou négative et l’associer à des schémas actuels ;
- Génogramme : issue de l’approche systémique.
Travailler avec les parties émotionnelles
- Stabilisation émotionnelle : plusieurs techniques comme le lieu sûr ou la relaxation, pour pouvoir vivre les modes infantiles / émotionnels en sécurité ;
- La chaise vide : faire venir un parent de manière imaginaire, ou un des modes du jeune et lui parler ;
- Re-parentage : permettre au patient de prendre soin de lui-même, de faire valoir ses besoins et y répondre en faisant appel à l’adulte sain ;
- Protocole de l’arbre : grâce à des cartes représentant les modes étalés au sol, le travail consiste à pouvoir passer d’un mode à l’autres, favorise la flexibilité explorer ce qui se passe en soi, changer de point de vue.
Pour pouvoir utiliser cette approche il faut bien entendu que la famille et surtout le jeune soient en demande et que cette approche les intéresse et leur parle.